le tout est plus que la somme des parties

Pourquoile Tout est plus que la Somme de ses parties ? - Pour une approche scientifique de l'Émergence - - Jacques Ricard -
L’ensemble des activités scientifiques qui se sont développées dans les pays occidentaux depuis Descartes, repose sur une réduction du complexe au simple. Cette démarche s’est d’abord avérée efficace mais, dans bien RequestPDF | On Jan 1, 2001, Louise Nadeau published Lorsque le tout est plus grand que la somme de ses parties: La cooccurrence de la toxicomanie et des autres troubles mentaux | Find, read and Pourquoile Tout est plus que la Somme de ses parties ? - Pour une approche scientifique de l'Émergence - E-Book - L'ensemble des activités scientifiques qui se sont développées dans les pays occidentaux depuis Descartes, repose sur une réduction du complexe au simple. Cette démarche s'est d'abord avérée efficace mais, dans bien des domaines, elle a maintenant Enbref : que le tout est plus grand que la somme des parties qui le composent. uer.ch. uer.ch. In sho rt: that the whole is greater than the sum of the parts. uer.ch. uer.ch. Le personnel a une attitude positive et optimiste; il a comme devi se « le tout est plus grand que la somme des parties ». n5tn.com. n5tn.com. Letout est-il plus que la somme de ses parties? Dfm Strauss. South African Journal of Philosophy 6 (1):24-28 (1987) Abstract This article has no associated abstract. (fix it) Keywords No keywords specified (fix it) Categories No categories specified (categorize this paper) Options Edit this record. Mark as duplicate. Export citation. Find it on Scholar. Request removal from nonton film veronica full movie sub indo lk21. Vous ne pouvez pas visiter cette page car bookmark/favori périmé Un moteur de recherche possède un listing périmé pour ce site une adresse erronée vous n'avez pas accès à cette page La ressource demandée n'a pas été trouvée Une erreur est survenue pendant l'exécution de la requête. Veuillez essayer l'une des pages suivantes Page d'accueil Si les difficultés persistent, merci de contacter l'administrateur de ce site. syntax error, unexpected '=' J'ai toujours été agacé par la maxime Le tout est plus que la somme de ses parties» due au grand Aristote. Elle a été commentée mille fois et presque toujours applaudie sans beaucoup de sens critique. La raison de cette agacement est que je ne voyais pas à quoi pouvait correspondre sérieusement —c'est-à-dire mathématiquement ou logiquement— ce "plus" que posséderait toujours le tout sur la somme de ses parties. Pour donner à la maxime un sens intéressant —et si possible démontrable—, il faut fixer une notion de valeur, et constater —ou mieux prouver— que celle du "tout" est plus grande que la somme des valeurs des "parties". Pour faire une somme, il faut dépasser les idées vagues et définir une mesure. Il faut donc associer un nombre au "tout" et d'autres à chaque "partie". La maxime avec peut-être des hypothèses restrictives à formuler doit pouvoir devenir un théorème. Il semble assez naturel de rechercher cette valeur sous la forme d'une mesure de complexité ou de contenu en information car ce plus» évoqué est vraisemblablement un enrichissement, ce qu'aujourd'hui nous cherchons à comprendre en employant les mots information et complexité. En résumé, pour tirer quelque chose de formel et donc de précis de la maxime sur le "tout" et les "parties", on doit considérer des objets A1, A2, ..., Ak qui auront chacun une certaine complexité ComplexitéA1, ComplexitéA2, ..., ComplexitéAk ne précisons pas de quelle complexité on parle pour l'instant ni son rapport éventuel avec de l'information, et dont la réunion UnionAi aura une complexité plus grande que la somme des complexités individuelles ComplexitéUnionAi > ComplexitéA1 + ... + ComplexitéAk Il se trouve que ça ne marche pas bien pour toutes les idées qui viennent en premier à l'esprit du mathématicien et de l'informaticien théoricien. Tentative 1 Prenons pour objet des ensembles au sens mathématique et pour mesure de leur complexité leur nombre d'éléments. Ce n'est pas absurde plus un ensemble comprend d'éléments, plus il est complexe. Il y a bien un rapport entre les deux côté de l'inégalité étudiée, mais il est inverse de celui qu'on attend Complexité UnionAi ≤ Complexité A1 + ... + Complexité Ak Il s'agit d'un théorème immédiat en théorie des ensembles. Dans le cas d'ensembles finis, il n'y a égalité que lorsque tous les ensembles sont disjoints deux à deux, ce qui se produit plutôt rarement. Notre première tentative de formalisation, donne et démontre une maxime opposée à celle d'Aristote ! Tentative 2 Prenons pour objet des problèmes algorithmiques applicables à des entiers n. Quelques exemples. A1 factoriser n» ; A2 trouver la somme des diviseurs de n» ; A3 déterminer si n est un nombre premier» ; A4 déterminer si n est un carré parfait» ; etc. Prenons pour le tout, le problème de résoudre l'ensemble des problèmes élémentaires simultanément. Pour mesure de complexité, prenons —cela va de soi pour qui s'intéresse à la complexité des algorithmes— le nombre d'opérations nécessaires ou la taille de la mémoire nécessaire pour mener la résolution des problèmes. On sait par exemple depuis 2002 que savoir si un nombre n est premier problème de la primalité est polynomial en fonction de la taille de n. Avec cette formalisation on ne peut plus naturelle pour qui s'occupe d'algorithmes, la maxime d'Aristote ne marche toujours pas. En effet, la complexité de la résolution du "tout" sera au plus la somme des complexités des "parties" et sera souvent plus faible car certains problèmes comme ceux de notre liste bénéficient des calculs faits pour d'autres ce qui permet des économies de ressource pour qui cherche à traiter les problèmes simulténément. La complexité du "tout", dans le cas des problèmes et algorithmes, est toujours inférieure ou égale à la somme des complexités des "parties". Complexité UnionAi ≤ Complexité A1 + ... + Complexité Ak Dommage ! Tentative 3 On considère des objets numériques finis et on mesure leur valeur par la complexité de Kolmogorov, qui, par définition, est la taille du plus petit programme qui les engendre. Cette mesure de complexité est aujourd'hui unanimement considérée comme la bonne mesure du contenu en information» d'un objet numérique. Elle généralise l'entropie de Shannon. Elle est utilisée en informatique mais aussi en physique, en philosophie des sciences, en biologie, en psychologie. Pas de chance, et c'est plus grave ici car il s'agit vraiment d'une mesure de contenu en information, là encore la complexité de Kolmogorov d'un ensemble d'objets numériques finis est inférieure ou égale à la somme des complexités de Kolmogorov des objets pris un à un. C'est un théorème de la théorie. L'idée de la démonstration est simple les programmes les plus courts qui engendrent A1, A2, ..., Ak, peuvent être mis bout à bout ; ils constituent alors un programme qui engendre le "tout" ; ce programme somme n'est peut-être pas le plus court qui donne le "tout", mais le programme le plus court qui donne le "tout" sera plus court puisqu'il y a déjà ce programme là et donc la complexité du "tout" sera inférieure à la somme des complexité des "parties". Là encore, la théorie dit et démontre le contraire de la maxime d'Aristote. Fort de ces exemples, il me semblait que jamais dans aucun cas, on ne pouvait mathématiquement trouver des situations où la complexité du "tout" est plus grande que la somme des complexités des objets pris individuellement. Même en cherchant le plus honnêtement possible, quelle que soit la façon naturelle de définir et de mesurer la complexité, pas de "tout" meilleur que "la somme des parties". Précision que dans ma recherche d'une mesure de complexité satisfaisant la maxime d'Aristote, j'ai exclu les méthodes factices où on place dans le "tout" autre chose que l'ensemble des "parties". Par exemple, je ne considère pas comme une illustration acceptable de la maxime d'Aristote qu'on dise qu'il y a dans un mot plus que ce qu'il y a dans l'ensemble de ses lettres. Il est vrai que dans le mot COMPLEXE, il y a plus que dans la donnée de l'ensemble de ses lettres C, E, E, L, M, O, P, X, mais c'est bien évidemment parce qu'on ordonne les lettres, et que cet ordre ajouté aux parties constitue le "plus" qu'on trouve dans le "tout" et qui n'est pas dans la somme des "parties". De telles illustrations de la maxime d'Aristote sont illusoires et naïves, elles sont triviales et sans intérêt puisque qu'elles sont basées sur un ajout caché quand on constitue le "tout", autrement dit un truc de prestidigitateur. Pouvait-il exister des cas recevables illustrant formellement la maxime d'Aristote dans le champ contemporain des sciences de la complexité ? Enfin un cas qui marche ! La théorie algorithmique de l'information qui détaille tout ce qu'on peut dire et démontrer sur la complexité de Kolmogorov a introduit une notion qui va nous sauver. Il s'agit de la profondeur logique de Bennett» qui est, par définition, le temps de calcul du plus court programme qui produit l'objet numérique fini auquel on s'intéresse. C'est une mesure de complexité structurelle» une mesure de la richesse en organisation, ce que n'est pas la complexité de Kolmogorov qui n'est qu'une mesure de contenu incompressible d'information». Ces deux mesures de complexité diffèrent le plus à propos des objets aléatoires dont l'exemple typique est une suite finie de '0' et de '1' obtenue par des tirages successifs à pile ou face. Pour un tel objet aléatoire, la complexité de Kolmogorov est maximale on ne peut pas le décrire de manière sensiblement plus brève qu'en en donnant les éléments un à un, ce qui est la pire situation puisque l'objet à produire sera explicitement dans le programme. Une suite aléatoire des bits est incompressible alors qu'à l'inverse la profondeur logique est minimale une suite aléatoire n'est pas structurée, son contenu en structure est quasi-nul ; sa profondeur logique de Bennett est réduite au minimum puisqu'exécuter le programme le plus court qui engendre la suite aléatoire revient à exécuter un programme qui recopie une donnée explicitement inscrite dans le programme et qu'une telle copie ne peut pas prendre de temps. Dans le cas général, la profondeur logique de Bennett ne donne pas que le "tout" a une complexité plus grande que la somme des complexités des "parties". En effet, si vous prenez un tout composé de k fois le même objet, sa profondeur logique sera à peu de chose près la complexité d'un seul objet, et donc sera nettement inférieure à la somme des complexités des objets pris un à un. Il ne peut y avoir un théorème du "tout" et des "parties" exprimant sans restriction la maxime d'Aristote, même avec la profondeur logique de Bennett ! En revanche, et c'est là que j'ai eu une surprise, il existe des cas où on peut établir avec certitude ce qui est assez difficile quand on manie le concept de profondeur logique que la complexité d'un tout composé de plusieurs objets sera supérieure à la complexité de la somme de chacun d'eux. Voici un tel exemple imparable. Considérons les deux images A et B. A B Chacune est composée de '0' pixel noir et de '1' pixel blanc d'une manière parfaitement aléatoire. Leur profondeur logique de Bennett est donc minimale comme nous venons de l'expliquer un objet aléatoire n'est pas structuré et possède donc une profondeur logique minimale comparable à celle d'une suite de même longueur composée uniquement de '0'. Le "tout" composé des deux images A et B n'est pas aléatoire, car les deux images sont intimement corrélées. Pour s'en rendre compte, on applique un ou-exclusif entre A et B ce qui donne une image C quand les deux pixels de A et B sont identiques, on met un '1' dans l'images C, sinon on met un '0'. C Faites l'expérience téléchargez les images et superposez-les la superposition simple qui correspond au 'ou' fait déjà apparaître le résultat ; l'opération logique 'ou-exclusif' appelée aussi 'xor' donne exactement C. On voit apparaître un célèbre personnage de l'histoire de France, mais on peut bien sûr par le même procédé à la base de ce qu'on nomme la cryptographie visuelle » obtenir n'importe quelle image aussi structurée qu'on le souhaite en partant de deux objets parfaitement non structurés mais corrélés. On montre par ailleurs que partant de A et de C on obtiendra B en appliquant là aussi un ou-exclusif. Il en résulte que le programme le plus court qui donnera le "tout" A et B sera le programme le plus court de A associé avec le programme le plus court de C, suivi d'un calcul de ou-exclusif entre A et C, ou sera quelque chose très proche de ce procédé. Puisque C est structuré de manière non triviale, ce programme minimal pour le "tout" A et B aura un temps de calcul plus long que la somme des temps de calcul des programmes minimaux pour A et minimaux pour B qui étaient des programmes très rapides puisqu'il n'y aucune structure dans A, et aucune structure dans B. La profondeur logique du "tout" A et B" est donc plus grande que la somme de la profondeur logique de A et de la profondeur logique de B. C'est un théorème et l'énoncé général qu'on peut donner de cette situation est le suivant Quelle que soit la profondeur logique d'un objet numérique C, on peut construire deux objets numériques A et B, de telle façon que A et B soient chacun de profondeur logique minimale, et que le "tout" constitué de A et de B possède une profondeur logique équivalente à celle de C puisqu'il donne C. ComplexitéA union B > ComplexitéA + ComplexitéB Dans le cas de telles situations, on a bien deux objets dont l'ensemble a une complexité structurelle plus grande que la somme des complexités structurelles des parties. Enfin un cas général où la maxime d'Aristote prend un sens formel, précis et démontrable ! Le cas des systèmes complexes Je pense que ce n'est pas un hasard si pour réussir à donner un sens mathématique précis à la maxime d'Aristote en proposant une notion bien définie de valeur des objets qu'on combine, il a fallu se référer à la complexité structurelle telle que l'a définie Bennett et surtout pas à la complexité de Kolmogorov qui ne donnera jamais l'inégalité recherchée puisqu'on démontre qu'elle donne l'inégalité inverse . Il est probable que ceux qui évoquent ce "tout" qui est plus que la "somme" de ses "parties" ont en tête des situations où c'est bien l'organisation ou encore "la richesse en structures", "la valeur fonctionnelle", "le contenu en calcul" qui sert à mesurer ce que valent le "tout" et ses "parties". L'idée exprimée par la phrase d'Aristote est souvent fausse —elle intéresse d'ailleurs parce qu'on la perçoit comme paradoxale—, mais il y a des cas où le paradoxe devient vrai et prouvable ceux où ce qui mesure la valeur du tout est vraiment lié à une richesse en structures. Ces cas font l'intérêt de la maxime. Croire à la maxime et en faire un pilier philosophique des réflexions sur la complexité sans même chercher à savoir de quoi elle parle, ni si cela peut se mathématiser est une attitude ridicule puisque le plus souvent c'est l'inégalité inverse qu'on peut démontrer même quand on envisage la complexité des algorithmes ou la complexité de Kolmogorov. Disposer d'un cas précis où la maxime devient vraie est très éclairant, et je considère qu'avec l'exemple proposé, on a une preuve nouvelle du bien fondé de la définition de Bennett la complexité structurelle d'un objet fini Ob se mesure par le temps de calcul de son programme le plus court», ou, dans la version plus tolérante de la définition de Bennett, par le temps de calcul des programmes courts que produisent Ob». Il existe peut-être d'autres procédés formels non illusoires donnant un sens à la maxime d'Aristote, mais celui qui s'appuie sur la profondeur logique de Bennett appliquée à l'association de deux objets structurés et corrélés est probablement central du fait de sa place au sein de la théorie algorithmique de l'information qui est la théorie la plus générale de l'information. Dans les systèmes complexes, comme les sont les organismes vivants ou les écosystèmes, les interdépendances font qu'on est le plus souvent dans une situation semblable à celle des images A, B et C. Ce qui est apparu dans un premier temps l'exception y devient la règle. La complexité du "tout" mesurée par la profondeur logique de Bennett est donc, dans de telles structures, supérieure à la somme des complexités des "parties". Bien évidemment, Aristote ne pensait pas à la profondeur logique de Bennett, mais il me semble qu'aujourd'hui pour donner un sens technique à son intuition —et il ne faut jamais renoncer à de tels objectifs—, la meilleure méthode possible est de l'évoquer. Qu'il ait fallu deux mille ans pour que l'intuition du Stagirite trouve une forme mathématique robuste et devienne l'objet de science, n'est-ce pas la preuve, encore une fois, de son exceptionnel génie ! Sur la cryptographie visuelle voir Sur la profondeur logique de Bennett voir 1Nous voudrions aggraver le paradoxe du plus dans le moins en montrant que dans certains cas le plus grand loge dans le plus petit par cette maximisation il n’y a pas de plus grand plus que le tout, la relation se trouvera vérifiée. En outre, le regard changera de direction au lieu de descendre du plus vers le moins, du tout à l’élément, il s’élèvera de l’élément au tout [1]. 2Dès l’Antiquité, en Inde comme en Grèce, certains philosophes reconnurent deux manières de concevoir la partie comme élément d’un tout, et comme l’une des expressions du Reutersvärd, Perspective japonaise n° 274 dda, dessin à la plumeLe concept de partie expressive3En posant l’alternative ou bien le tout réside dans toutes les parties ou bien il réside en chacune d’elles prise à part, les philosophes bouddhistes avaient dégagé le concept de partie expressive, en même temps que sa singularité il existe des parties qui ne font pas que constituer le tout mais qui le re-présentent, donc leur sont homologues. La relation logique entre le tout et la partie ne serait par conséquent pas seulement d’opposition. 4À partir de l’œuvre d’Anaxagore et de ses propres recherches biologiques, Aristote fut amené à réfléchir attentivement sur les rapports existant entre le tout et la partie. C’est au Stagirite et non à Anaxagore que l’on doit la distinction-opposition entre les deux types, homéomères et anhoméomères, de parties. Dans De la génération et de la corruption, Aristote dit Anaxagore […] pose comme éléments les homéomères, par exemple l’os, la chair, la moelle et chacune des autres choses dont la partie est synonyme du tout [2]. » Les synonymes, en effet, sont identiques en nature et en nom, et contenus dans le même genre [3]. Un morceau de chair est de la chair, un fragment d’os est de l’os, une goutte de sang est du sang – chair, os, sang sont des parties homéomères, tandis que le morceau d’une main n’est pas une main, ni la partie d’un visage un visage – main et visage sont des parties anhoméomères. On reconnaîtra là l’origine de la distinction, toujours actuelle, entre les tissus et les organes. 5Il est habituel que les éléments d’une classe aient un caractère opposé à celui de cette classe une classe d’éléments concrets, par exemple, n’est pas elle-même concrète. Il arrive en revanche que la partie ait le même caractère forme et contenu que le tout dont elle fait partie. C’est elle que l’on appelle partie expressive. 6Les scolastiques disposaient de deux locutions pour désigner deux phénomènes qui ont assez de points communs pour être confondus mais aussi suffisamment de différences pour devoir être distingués. La pars pro toto littéralement la partie pour le tout » désigne la partie qui renvoie au tout, la partie qui fait penser au tout, la partie qui symbolise le tout, parce qu’elle en est le fragment ou bien l’image, ou bien encore le simple signe. La pars totalis littéralement la partie totale » [4] désigne, quant à elle, la partie du tout qui possède les mêmes propriétés que lui ; elle est le tout en miniature. 7La pars totalis, à la différence de la pars pro toto est beaucoup plus qu’une métonymie; elle ne renvoie » pas seulement à la totalité, elle en est le condensé. Une branche de peuplier peut prendre racine, elle vaut pour l’arbre entier, qu’elle représente en miniature – c’est une pars totalis réelle. Dans l’ordre symbolique, la monade leibnizienne est une pars totalis, un roman ou un cosmogramme, une pars pro partie expressive réelle8La partie expressive, qui donne en réduction une représentation de la structure et de la qualité du tout qui l’inclut est l’exception, et non la règle. Sur un plan logique, l’équivalence de la partie et du tout ne manque pas de poser problème elle ruine l’axiome euclidien qui veut que le tout soit plus grand que la partie. La partie expressive réelle manifeste la relation de l’englobement réciproque de la partie et du tout la partie contient le tout qui la contient. La goutte d’eau est dans l’océan, et l’océan est dans la goutte d’eau », disait Guru Nanak, le fondateur du sikhisme. Comprendre ce dans quoi l’on est compris on sait le jeu que Pascal fit subir à ce verbe, par l’étendue l’univers me comprend, par la pensée je le comprends… Bien sûr, il y a glissement de sens, d’une compréhension spatiale à une compréhension intellectuelle, il n’en reste pas moins vrai que la pensée représente un englobement réversif. Mais celui-ci est antérieur à la pensée même si celle-là est seule habilitée à le pars totalis réelle9 Mais la mer, pour savoir quel en est le goût, il n’est besoin que d’une gorgée », écrit A. Soljenitsyne [5]. L’expressivité de la partie en mathématiques peut être décelée à deux niveaux qui finissent par se confondre celui, épistémologique, de la science même et celui, ontologique, des objets dont elle s’occupe. Il n’est aucun secteur du continent mathématique qui ne découvre et n’invente l’expressivité du tout par la partie. En géométrie, on appelle scalantes les figures géométriques dont les parties ont la même forme ou même structure que le tout, seule change l’échelle de grandeur. Tel est le cas des courbes paradoxales n’admettant aucune dérivée, dites courbes fractales. Quelle que soit l’échelle retenue au départ, et donc le degré de précision avec lequel on les examine, ces courbes, qui ont la propriété d’autosimilarité, répètent sur n’importe lequel de leurs fragments leur structure et leur forme d’ensemble ainsi en va-t-il avec la courbe de Peano ou avec le célèbre flocon de neige » de von Koch. Les mathématiciens disent de ces courbes, dont la structure locale la partie répète la structure globale le tout, qu’elles sont à homothétie interne » – synonyme jugé plus précis que le terme de scalant. La singularité de ces figures paradoxales détermine leur mode de construction, par itération. 10Contre Euclide, Aristote et toute la tradition, était désormais posé comme possible le point de vue selon lequel la partie peut être égale au tout. Le morceau de miroir brisé qui continue de réfléchir l’image entière, le fragment de l’aimant cassé qui a les mêmes deux pôles que le tout dont il provient sont les illustrations classiques de cette pars totalis qui possède les mêmes qualités que le tout dont elle est extraite. Les hologrammes, construits par la physique, ont la même propriété d’autosimilarité que les courbes paradoxales alors qu’un morceau de photographie déchirée n’est plus une photographie, un fragment d’hologramme donne l’image de l’hologramme en son entier. 11Pour les sciences, c’est la généralité qui est la règle et la singularité qui est l’exception. Leibniz aimait à répéter le mot d’Arlequin Là-bas, c’est tout comme ici. » L’universalité des lois physiques rend possible, en sciences, une formidable économie de moyens. Puisque l’atome d’hydrogène ici est le même que l’atome d’hydrogène, là-bas, qui se convertit en hélium, dans le Soleil, n’importe quel morceau de matière peut constituer un échantillon. Cette notion d’échantillon est intéressante en connotant à la fois l’étalon de mesure et la partie totale le morceau d’étoffe prélevée permet de connaître la qualité de l’ensemble, elle montre comment la partie peut justement servir d’instrument de mesure pour le tout. Dans les sciences de l’homme, un échantillon est la partie représentative d’une population donnée. Une loi mathématique énonce même qu’un échantillon de 1 000 personnes suffit à connaître une population quelle qu’en soit la taille. Ce résultat, si contraire à notre intuition il n’est pas nécessaire de prélever un échantillon plus grand aux États-Unis qu’en Suisse, prouve que la logique méréologique celle des relations de la partie au tout ne peut être réduite aux questions d’ pars pro toto réelle12Dans le livre qu’il a consacré à l’artiste Michel Paysant [6], F. Dagognet a montré comment, à travers l’objet le plus vil d’apparence un morceau d’asphalte, les deux mondes, cosmique et humain, pouvaient être convoqués. Dans la nouvelle L’Aleph, qui symboliquement donne son nom au recueil, Borges définit l’aleph comme l’un des points de l’espace qui contient tous les points, le lieu où se trouvent sans se confondre tous les lieux de l’univers, vus de tous les angles. Même s’il convient de laisser au champ de la fiction littéraire cette conjonction, le réel nous offre plusieurs exemples d’englobement du tout par la partie. N’importe quelle pierre porte en elle, sur elle, les traces de l’histoire de l’univers, et c’est parce qu’une seule feuille contient le végétal entier que les bouturages sont possibles. En anthropologie, Marcel Mauss avait décelé dans le don une partie expressive de la société primitive, et c’est pourquoi il l’avait appelé fait social total. 13Kant [7] déjà savait que l’on peut déterminer l’âge d’un poisson à l’état de ses écailles observées au microscope. La re-présentation, comme présence redoublée, n’est pas l’apanage de la pensée. La matière peut garder en elle la trace qui l’informe. Ainsi dans des espaces très réduits se sont parfois sédimentées de très longues durées les cernes plus ou moins resserrés de l’arbre constituent une véritable écriture naturelle et l’on peut y lire le climat des années, voire des siècles passés [8]. Les glaces polaires sont des archives sans arrêt empilées selon l’ordre du temps ; les carottes prélevées, comme les cernes de l’aubier, illustrent ce fait, loin de la Relativité, que le temps peut devenir espace. La petitesse de cet espace avec le carottage, nous retrouvons l’idée d’échantillon n’induit pas l’illisibilité – au contraire ! 14La cellule, qui est une toute petite partie d’un tout l’organisme, contient dans son noyau, enroulée dans ses longues molécules d’ADN, la totalité du génotype qui commande à la constitution de ce tout ; de plus, la cellule a les mêmes propriétés que l’organisme entier. Les parties sont éventuellement capables de refaire le tout. Une seule cellule suffit pour constituer l’animal, ainsi que le montre la technique du clonage. Il existe bien d’autres systèmes qui illustrent ce paradoxe selon lequel la partie englobe le tout qui l’englobe. En linguistique une phrase d’une langue quelconque est une partie de celle-ci en même temps qu’elle la contient tout entière. En sociologie et en anthropologie l’individu, partie de la société dont il fait justement partie, la contient toute dans la mesure où il est lui-même être social avec sa langue, sa culture, ses règles et ses normes, etc. Aussi ne sera-t-on pas étonné si, vis-à-vis du sens, le tout et la partie sont dans un rapport de mutuelle détermination le tout donne du sens à la partie mais en retour la partie contribue à donner sens au tout. L’homme est un pépin, l’univers est une pomme », disait Paracelse le contenu est aussi un contenant. Un dicton juif lui fait écho il y a plus de pommiers dans une pomme que de pommes dans un pommier. Il est donc possible que la partie contienne plus que le tout Giordano Bruno était fondé à dire que le minimum est un maximum partie expressive symbolique15G. Bachelard appelait rêverie lilliputienne cette espèce de ruse du symbolique qui attrape le tout par la plus petite de ses parties. Puisqu’il n’est pas possible matériellement de tout avoir, ou bien – ce qui revient au même – puisque cette totalité matérielle, extensive, est à jamais hors d’atteinte, reste le plus court chemin de la synecdoque qui, par l’extraordinaire ellipse qu’elle représente, nous offre le monde dans une coquille de noix. Quelques rectangles disposés en croix et marqués à la craie sur le sol, et l’enfant saute de la terre au ciel presque aussi aisément qu’un moineau. L’art, la science, la technique, bref tous les systèmes symboliques de connaissance et de maîtrise du monde procèdent de cette manière. Pour comprendre la totalité, il faut commencer par la réduire – à un signe, un nombre, une image. Condensations extrêmes d’espace et de sens, les symboles permettent à l’être humain d’avoir barre sur les choses au lieu de subir leur infini éparpillement. Ils rendent la totalité pars totalis symbolique16Un mot et un affect, un signe et un objet peuvent signifier le tout auquel ils ont été arrachés ou dans lequel ils ont été placés. Ce renvoi est au centre de la pensée primitive », il la détermine et la colore dans sa mythologie et son rituel. Alors, en effet, que la pensée scientifique établit des distinctions tranchées entre les différents types de relations tout/partie, la pensée primitive tend à les assimiler. Lévy-Bruhl a analysé chez les peuples sans écriture le procédé qu’il appelle participation la croyance selon laquelle la possession de l’image d’une chose confère une puissance sur la chose elle-même relève de ce mécanisme de la pensée. Constamment, spontanément, le réel est métonymisé. Dans notre perception empirique du réel, le tout se compose » de ses parties ; selon la logique de la connaissance, il en est le résultat ». La conception mythique n’admet aucune de ces deux relations – elle place le tout et les parties dans une situation d’indifférence intellectuelle et réelle [9] le tout n’a pas de parties, la partie est immédiatement le tout, et possède son efficace. La partie n’est pas une simple députation, un vicariat, comme dit Cassirer [10] cette relation est une détermination réelle, une corrélation qui n’est pas comprise gnoséologiquement mais ontologiquement. C’est sur cette logique associative que reposait le culte des reliques, le plus petit fragment de croix valait pour la croix tout entière donc pour Jésus, la phalange du saint était le saint le partage de la puissance ne la fractionne pas, chacun peut ainsi en avoir sa part et l’avoir tout entière. L’avantage du signe sur l’objet est de pouvoir être redoublé à l’infini. À la différence du fragment, la parcelle garde l’image du tout dont elle a été détachée, et c’est pourquoi, en termes juridiques, elle constitue l’unité de cadastre, signalée par une même culture ou une même utilisation. Et c’est pourquoi dans la liturgie catholique le prêtre est tenu de prendre des précautions pour éviter la chute des parcelles des hosties consacrées. J. Lacan, dans son séminaire sur La lettre volée », montre qu’une lettre reste ce qu’elle est, une lettre, même lorsqu’elle est mise en petits morceaux ; la matérialité du signifiant est plus forte que celle de l’espace. Saint Thomas d’Aquin, en une belle image que reprendra après lui Luther, comparait les hosties multipliant à l’infini le corps du Christ aux fragments d’un miroir restituant chacun l’intégrité des choses visibles. Le corps du Christ est diffracté en une infinité de petits mondes symboliques d’où la forme ronde des hosties, tout entier présent en chacune de ces parties. L’idée a eu un rôle et un impact politiques de toute première importance. Dans le christianisme, l’Église locale est censée représenter et incarner la totalité de l’Église la partie assure la lieutenance du tout. Semblablement, un élu de la nation, dans les démocraties modernes, est censé représenter le peuple tout entier n’y a-t-il pas, par-delà les ruptures, une continuité du concept de représentation ? 17L’idée de microcosme est une autre forme prégnante de la pars totalis symbolique. L’image de l’homme microcosme est courante à la Renaissance aussi bien Marcile Ficin que Pic de La Mirandole lequel définissait l’homme comme l’œil du monde » et Paracelse voient dans l’homme l’être universel dans lequel se reflète le Tout. Pour Paracelse, l’homme, univers miniature, est la quintessence, un extrait, un condensé, un concentré, un résumé de l’organisme du monde – son corps est fait de soufre, de sel et de mercure, et son âme obéit aux astres, lesquels influencent les maladies. Entre les organes et les éléments du monde minéraux, végétaux, animaux existent des correspondances secrètes théorie des signatures. 18En philosophie, l’expressivité caractérise les systèmes de Leibniz et de Hegel. Comme Plotin figurait le monde intelligible en chaque intelligible, Leibniz voyait dans la monade le microcosme de l’univers. Leibniz dit de la monade qu’elle symbolise avec toutes les autres formes extérieures à elle, la seule différence venant de la plus ou moins grande clarté avec laquelle cette expression est produite. En fait, selon le principe du continu, la partie n’est même plus partie. La totale cohérence du système symbolique d’où le rêve d’une caractéristique universelle doit à son tour exprimer celle de l’univers. 19La philosophie hégélienne, en assimilant le logique et l’ontologique, va plus loin encore, en faisant de chaque partie du réel l’expression de la totalité du réel, et de chaque partie du système, l’expression de la totalité du système. Dans la mesure exacte où le système et la réalité s’entre-expriment au sein de l’Idée, toutes les parties » du système hégélien sont des parties expressives. La Logique, la Philosophie de la Nature et la Philosophie de l’Esprit sont bien les parties de l’Encyclopédie, mais non des parties du système car ils représentent des moments dans l’autodéveloppement du tout dont chacun lui est homologue. Chaque étape de ce développement implique comme pars totalis ce développement entièrement déployé. C’est pourquoi Hegel est à la fois le plus difficile et le plus facile à comprendre de tous les philosophes le plus difficile car sans la perception de l’ensemble aucune partie ne saurait être saisie, et le plus facile parce que le système entier peut être saisi par n’importe quel fragment, qui fait passage pars pro toto symbolique20On dit que sur la seule surface d’un grain de riz un artiste japonais dessinait les paysages du monde, avec les mers, les montagnes, les rivières et les plaines, et dans les jardins secs des temples de Kyoto un rocher suffit pour figurer une chaîne de montagnes tandis que les sillons tracés dans le gravier soigneusement ratissé renvoient au courant de l’océan cosmique. Tout commence, une fois encore, avec la synecdoque du sacré. Le principe de la participation implique que chaque partie vaut pour le tout de sorte que la relation à une partie arbre, plante, etc. entraîne la participation au tout vie, nature, histoire, divinité, cosmos. On pourrait à ce propos parler d’objet symbolique total – car, de la même façon qu’un symbole connote une pluralité de sens qui en font toute l’ambiguïté et la richesse, de même certains objets rejoignent les directions opposées du réel, et traduisent ainsi celui-ci dans sa totalité symbolique. La présence de la totalité dans l’élément le plus humble transmute le regard en vision. Ainsi dans la bouche de Krishna enfant, sa mère découvre rien moins que l’univers entier. Une tradition dit que Yashoda se vit elle-même dans la bouche de son enfant, le prenant sur ses genoux et lui donnant le sein. 21L’image joue par rapport à l’original le rôle de la partie par rapport au tout elle est un agent de transmission. Et cela explique pourquoi il y a si peu de milieu religieux entre l’iconolâtrie et l’iconoclastie, entre le dévoilement du sacré et son dévoiement par l’image. C’est parce qu’ils refusaient l’identification du tout à une partie le veau d’or, une statue, et donc la fragmentation de l’absolu, que Moïse et Mahomet ont fait de l’idolâtrie un péché suprême. C’est à l’inverse parce qu’ils pensent qu’il n’y a pas d’absolu sans révélation que les hindous ont créé une religion iconolâtre. 22De tous les signes sacrés, c’est un mot, un monosyllabe qui est le plus chargé de sens dans toute la tradition indienne. Nulle part, dans aucune culture, le tout, l’infini, l’absolu n’a été à ce point réduit à presque rien. Il est gravé en lettre de pierre sur les murs des temples et inlassablement répété au cours de prières qui semblent ne devoir finir qu’avec le monde même. AUM est le son primordial, d’abord inaudible, qui crée toute chose ; il est l’essence même des Védas, et sa récitation vaut lecture et connaissance. Il est, disent les Upanishad, l’arc, le moi étant la flèche et Brahma la cible ; il réunit en lui l’univers entier, ou plus exactement êtres et choses sont supportés par lui comme les perles d’un collier sont tenues ensemble par le fil qui les traverse. 23De tous les arts, l’architecture fut, avec la poésie, celui qui, par excellence, dans toutes les cultures, déploya un sens cosmique. La ville, le jardin, le temple, la maison peuvent symboliser l’univers ; mieux, ils symbolisent avec l’univers pour reprendre l’expression alchimique maintes fois utilisée par Leibniz. La fonction univers de l’architecture ne réside pas seulement dans son inscription symbolique dans l’espace et le réseau de correspondances qu’elle tisse, mais dans la genèse de sa formation, passage du désordre à la forme. La ville était un tout qui connotait la totalité. Par ses tableaux, animés ou inanimés, ses sculptures, sa musique, ses parfums, elle était œuvre totale. Le mot urbs, ville en latin, tire d’ailleurs peut être son origine d’orbs, l’orbe, le cercle. Dans les sociétés les plus diverses, la ville est un résumé d’univers. D’où la symbolique universelle du cercle et du carré. 24La poésie n’offre pas moins d’exemples que l’architecture le mot n’est-il pas, par excellence, la fixation symbolique d’une totalité indéfinie, sinon infinie, grâce à la plus radicale des économies de moyens ? Car il s’agit toujours de faire pièce à la dispersion d’un réel hors d’atteinte par voie directe. 25Toutes les épopées – ces vastes poèmes de la totalité – comprennent un épisode, une image circulaires qui les condensent en les redoublant. Le bouclier d’Achille contient en petit l’Iliade entière – or l’Iliade contient le monde. La guerre, l’agriculture, le pouvoir et le jeu ont leurs images sur le bouclier d’Achille. Au chant VIII de l’Énéide, Virgile accentuera ces effets de vertige en imaginant sur le bouclier d’Énée des détails microscopiques Là, une oie d’argent, voletant sous les portiques dorés, annonçait par ses cris l’arrivée des Gaulois aux portes de la ville. Les Gaulois se glissaient parmi les buissons et, protégés par les ténèbres grâce à une nuit opaque, ils allaient occuper la citadelle ; leurs cheveux sont d’or, leurs vêtement d’or ; leurs sayons rayés brillent ; leurs cous de lait sont cerclés d’or [11]. » 26Dernier exemple, le cinéma, parce qu’il montre les choses » détachées de leur ensemble, offre l’équivalent de la synecdoque poétique – un objet peut valoir pour le tout dont il fait et dont il est partie. Ainsi, dans Le Cuirassé Potemkine, le lorgnon qui se balance au bout de la vergue renvoie-t-il à son propriétaire, le médecin de l’équipage, mais, au-delà, à la classe dont celui-ci est membre et au système social qu’il représente. Mais l’objet détaché, précisément, connote la révolte des marins, la révolution qui commence – si bien qu’en une seule image d’un objet, qui plus est dérisoire, Eisenstein signifie à la fois l’ordre et la révolution, le passé et l’avenir, bref le tout de l’histoire. Isolé, l’objet devient le tout. 27Il est possible que l’expressivité de la partie symbolique repose sur la capacité du langage de déborder constamment la particularité de ses éléments – mais la perception et le désir qui ont une dimension antéprédicative ont un pouvoir analogue d’amplification. Cette amplification – dont la totalité constitue à la fois l’élément, l’essence et la limite – est au cœur de n’importe quel système symbolique, qu’il soit art, science, technique ou langage en général. Grâce à cet extraordinaire moyen, dont aucun autre animal n’est pourvu, nous pouvons, selon les puissantes paroles du poète 28Voir un Monde dans un grain de sable,Et un ciel dans une fleur sauvage,Tenir l’infini dans la paume de la main,Et l’éternité dans une heure. [12] Notes [1] Cet article reprend et développe un certain nombre d’indications figurant dans notre travail La Totalité I, De l’imaginaire au symbolique, Champ Vallon, 1998, p. 565-584. [2] Aristote, De la génération et de la corruption, 314 a 19, trad. J. Tricot, Vrin, 1971, p. 3. [3] Note de J. Tricot, ibid. [4] L’expression de partie totale figure dans l’opuscule de Leibniz sur l’origine radicale des choses, mais l’idée est explicite chez Plotin, écrit-il Ennéades, IV, 2. [5] A. Soljenitsyne, L’Archipel du Goulag, exergue du tome II. [6] F. Dagognet, Michel Paysant, Logique et Poétique, Éditions Voix Richard Meyer et les Cahiers du regard, 1994. [7] E. Kant, Géographie, AK IX, 252, trad. coll., Aubier, 1999, p. 162. [8] Le travail de déchiffrage a donné naissance à une discipline nouvelle, la dendrochronologie. [9] E. Cassirer, La Philosophie des formes symboliques, tome II, trad., J. Lacoste, Les Éditions de Minuit, 1972, p. 73. [10] Ibid. [11] Virgile, Énéide, trad. M. Rat, Garnier-Flammarion, 1965, p. 186. [12] W. Blake, Augures d’innocence » in Œuvres, tome II, trad. P. Leyris, Aubier-Flammarion, 1977, p. 152. Le travailleur social est possiblement le professionnel le plus amené à échanger avec ses partenaires du réseau de la santé, de l’éducation et du communautaire. Dans le milieu institutionnel, plus particulièrement, il intervient rarement seul. Dans le cadre d’un processus d’orientation qui est devenu la TÉVA transition de l’école à la vie active, en partenariat avec des représentants de l’école secondaire Antoine de St-Exupéry, j’ai réalisé une demande de services au Centre de réadaptation Lucie-Bruneau pour une évaluation des capacités de travail. Quelques mois plus tard, Frédéric Loiselle, ergothérapeute au Centre de réadaptation qui a réalisé cette évaluation, communique avec moi pour me demander si la personne que nous aidons en commun serait intéressée à prendre part à un projet novateur qu’il vient de créer dans le contexte montréalais, le Cirque social dans le cadre de la TÉVA. Un projet par lequel, à travers des activités de cirque, on vise le développement de l’autonomie, l’optimisation des paramètres physiques et le surpassement de soi pour favoriser une plus grande insertion sociale. M. Loiselle m’interpelle en soulignant que cette TÉVA pourrait représenter un défi de concertation porteur entre l’enseignante de stage, le participant, et nous. Suite à l’autorisation de la personne concernée, les premiers échanges débutent et révèlent nos identités professionnelles. L’ergothérapeute nous aborde en utilisant une terminologie qui lui est propre. Il soulève les questions des capacités physiques, des AVD activités de la vie quotidienne, des mesures de rendement occupationnel. Le travailleur social utilisera à son tour les concepts spécifiques à son univers et les thèmes de la famille, des réalités multiculturelles et de la précarité économique deviendront dominants. Peu à peu, les discours tentent de s’arrimer, orientés sur les besoins du participant. Voilà, le dialogue est lancé, la concertation prend son envol, mais comme pour Icare », la chute n’est pas exclue. Divergences Le spécialiste en face de nous arrive avec ses grilles d’évaluation, ses écoles de pensée, ses méthodologies dictées par les mandats institutionnels et orientées par les appartenances professionnelles. Certaines différences prennent racine dans nos caractéristiques personnelles. Nous sommes déterminés en partie par un genre, un âge, une origine sociale, des valeurs familiales, un nombre d’années d’expérience. Nous n’arrivons pas nécessairement au même moment dans l’intervention. La concertation constitue un terrain propice aux alliances, mais aussi aux luttes de pouvoir et aux affrontements à la fois individuels et institutionnels quand la confrontation prend toute la place. Le conflit n’est pas nécessairement entropique. Il peut nous amener à découvrir des rivages inconnus, à parvenir à de nouveaux équilibres s’il ne devient pas chronique. Si cela arrive, ce sont les personnes que nous aidons et leurs familles qui en subiront les contrecoups. Nous avons un devoir d’entente, mais certains n’y parviennent pas par absence de conviction, mauvaise foi ou compétences insuffisantes. La concertation à deux ou à plusieurs intervenants constitue un art difficile à maîtriser. Pour ceux qui ne veulent pas s’y risquer, qui affirment que la concertation coûte trop cher, qu’au calcul elle signifie perte de temps ou le risque d’un ajout d’un mandat qui n’est pas le sien, les sabotages apparaissent multiples. Dans la concertation, il y a toujours péril en la demeure, car aucune entente écrite ne va en assurer la réelle viabilité. Face aux plans de services intégrés PSI, incontournables pour structurer les actions à venir et répartir les mandats, mais où il y a trop peu d’imputabilité, la concertation paraît relever de l’impossible, et faut-il être rêveur pour y croire malgré tout? Dans un contexte de complexité, de rareté des ressources, cette concertation n’est-elle pas indispensable, et le chemin le plus propice pour qu’y surgisse l’inattendu et l’inespéré? Une démarche délicate Une concertation qui devrait, comme l’a souvent énoncé Jacques Salomé, chercher non plus à opposer ses points de vue, mais à favoriser l’apposition des points de vue qui ne vise pas à affaiblir, diminuer, disqualifier ou dominer le point de vue de l’autre ». Cette apposition qui favorise la mise en commun ne tient qu’à un fil, car les mots dits et les non-dits, au lieu de créer des ponts, peuvent séparer. La concertation est un exercice communicationnel périlleux, car elle se situe au cœur de la relation avec l’autre. Quand elle se révèle efficiente, elle élargit le champ des possibles et ouvre la porte à des services que nous ne connaissions même pas. Nous découvrirons au terme de ce voyage que nos boîtes à outils respectives autant que celle du participant se sont enrichies de cette acculturation. Voilà ma compréhension de ce qui est arrivé dans ma rencontre avec l’ergothérapeute du Centre de réadaptation où il y a eu réciprocité. Ce dernier, s’il arrive au même constat, utilisera certainement d’autres mots pour le dire. Peut-être que notre consensus consistera à reconnaître que c’est finalement la magie du cirque qui nous aura portés, validant ainsi la règle durkheimienne voulant que le tout est plus que la somme de ses parties ». Une magie que nous tentons de reproduire dans d’autres milieux et contextes d’intervention.

le tout est plus que la somme des parties